mercredi 4 avril 2012

L'art de la foule

Dans un article précédent, nous avons vu que la technologie 2.0 avait le pouvoir incroyable de réunir un public autour d'un projet ou d'une idée. Dans cet article, j'aimerais vous parler de la naissance d'un rassemblement humain d'un nouveau genre : les flashmobs. Ça ne vous dit rien? Bon, bon...tentons une explication.


Flashmob, gné ?

 

Ce nom bizarre issu de l'anglais peut se traduire par l'expression « foule éclair » ou « mobilisation éclair », en français. Pour ceux qui sont passés à côté du phénomène, une flashmob c'est « le rassemblement d’un groupe de personnes dans un lieu public pour y effectuer des actions convenues d’avance, avant de se disperser rapidement. » Ce qu'oublie de nous dire notre vieux copain Wikipédia c'est que ce type d'action s'organise très souvent via le web 2.0, à travers les différents réseaux sociaux que nous connaissons bien, comme Facebook ou Twitter. 

Prévenus de l'heure, du lieu et de la nature du rassemblement, des dizaines, voir des centaines de participants, de tout âge et qui ne se connaissent pas, se retrouvent, spontanément et gratuitement, pour effectuer un scénario chronométré et décalé dans un endroit très fréquenté (magasin, grand place, gare...). L'effet de surprise doit être garanti, c'est pourquoi la communication autour de l’événement est discrète et les informations données au goutte à goutte. Les flashmobs sont ensuite filmées et diffusées à la pelle sur Youtube, au point de devenir un véritable sous-genre de la webvidéo. 




Mais d’où vient cette chose absurde ?


Howard Rheingold en 2007
C'est vrai ça, ça vient d’où les flashmobs? Nées avec les nouvelles technologies, elles sont une application festive et légère du concept de smart mobs (foules intelligentes) élaboré par Howard Rheingold, pionnier du web 2.0 et des technologies de l'information. Son interview est disponible ici. Débutant en 2003 aux Etats-Unis sous l'impulsion d'un groupe new-yorkais nommé « Mob Project », le virus flashmob s'est ensuite propagé à grande vitesse en Asie, puis à travers l'Europe, jusqu'à bousculer la tranquillité de nos petites villes suisses...



Quels scénarios ?



Ils peuvent être de différentes sortes. En réalité tout est permis, gymnastique urbaine, cris d'oiseaux, festival de bisous, pourvue que l'idée soit forte, originale ou poétique.


Quelques exemples assez communs...


La Flashmob danse: tout le monde se retrouve pour s'éclater sur une musique avec une chorégraphie postée sur le net et préalablement préparée.

Le Freeze : les participants restent figés, à un signal donné, pendant un court laps de temps, formant ainsi un tableau humain vivant. Puis chacun reprend sa route comme si de rien n'était.

Le Pillow Flat : comme son nom l'indique, il s'agit d'une bataille de coussins en pleine rue.


....et un peu moins


Le No pants Day : un jour par année, dans plusieurs villes à travers le monde, des milliers de personnes enlèvent leur pantalon dans le métro. Cette idée saugrenue a été élaborée par Improv Everywhere Ne se revendiquant pas des flashmobs mais se basant sur le même principe d'action, le slogan de ce collectif est "we cause scenes" que l'on peut traduire par "nous causons des scènes" (oui, pas trop compliquée la traduction, je sais). Et leurs actions sont d'ailleurs plutôt spectaculaires et amusantes à voir. 


Une petite sélection maison...


Flashmob danse dans la gare centrale d’Anvers en Belgique
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« No pants Day » à New York, le 8 janvier 2012, plus de 4000 participants
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...dont deux exemples à Lausanne

Pillow fight 2011
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Reportage sur le Freeze de 2008 
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Euh oui, c'est bien joli, mais ça sert à quoi ?


Ah oui, bonne question... disons que les avis sont multiples. Pour certains, les flashmobs n'ont aucun objectif précis à part celui d'être un événement festif et convivial, un peu comme une performance artistique, ouverte à tous ! Et tant mieux ! D'autres leur cherchent un sens philosophique profond... Enfin, certains réactionnaires voient ces manifestations comme des rassemblements « à la con » qui ne mènent à rien. Et vous, vous en pensez quoi ? Les flashmobs sont souvent injustement menées... allons à leur défense...

Depuis qu'elles existent, ces mobilisations spectaculaires viennent questionner l'espace public urbain et ses pratiques. Au delà du plaisir de se rassembler, du fun et de la dimension artistique et rafraîchissante qu'elles proposent, les flashmobs ont aussi une fonction perturbatrice (dans le bon sens du terme, oui oui !) Envahissant galeries marchandes, parcs communaux ou gares centrales, dans des milliers de villes dans le monde, elles viennent semer le trouble, durant un court laps de temps et emmènent le spectateur dans une 4e dimension. Par cette initiative, le citoyen participant, créateur d'un moment loufoque, arrête le quotidien et court-circuite les déplacements routiniers des passants. C'est la spontanéité dans toute sa splendeur, souvent impossible sur l'espace public, qui est soudainement exprimée ! Libérateur non ?

Tout est permis dans une flashmob, on se donne en spectacle pour divertir, faire, réfléchir et parfois même défier les lois existantes, un pied de nez aux conventions, à l'image du « No pants Day » à travers le monde! 


En réalité, les flashmobs d'aujourd'hui se rapprochent de l'action provocatrice et spontanée de la fin des années 60, une période marquée par une radicalisation de la profession de l'animation socioculturelle et par l'élaboration d'une contre-culture permettant l'expression et l'émancipation des minorités dans l'espace public : théâtre de rue, créations collectives picturales sur différents thèmes, notamment politiques. Dans les années 80, des mouvements visant à lutter contre l'homophobie mettent en place des kiss-in. Ces manifestations qui consistent à s'embrasser dans la rue permettent aux homosexuels de s'afficher publiquement et de rompre avec la clandestinité à laquelle on les avait habitués. Plus d'info ici.

 



Bien entendu, les flashmobs actuelles n'ont pas forcement de message ou de cause à soutenir, mais elles soulèvent et mettent en avant un phénomène sociétal : le besoin d'émancipation et de reconnaissance du public, des idées particulièrement défendues par l'animation socioculturelle.

Si on les considère comme des créations partagées, les flashmobs ont le mérite de questionner la démocratie culturelle. Ouvertes aux non-professionels, elles permettent à chacun de s'impliquer dans des pratiques artistiques, autrement qu'en rôle de spectateur. L'espace public devient alors une scène, à la portée de tous.

Enfin, comme le soulève le journaliste Mathieu Laviolette-Slanka « toutes ces flashmobs révèlent une envie d'être ensemble aux antipodes de l'individualisme et du nombrilisme ambiants ». Dans une société de consommation ou le culte de l'ego est religion, ces manifestations rafraîchissantes mettent en avant l'intérêt collectif et la participation sociale. Tiens, moi ça me rappelle quelque chose tout ça !





Depuis peu, les flashmobs ont été investies par les associations qui cherchent à faire passer leur message par des opérations «coup de poing ». Ci-dessous, un scénario inquiétant, organisé à Zürich à l'initiative de  GreenPeace. Le but était de sensibiliser la population aux risques du nucléaire. A midi quinze, une centaine d'activistes ont fait mine de s'effondrer dans différents endroits de la ville, simulant ainsi une catastrophe nucléaire.

 
 



Et l'animateur dans tout ça?


Depuis la nuit des temps, les hommes ont exprimé le besoin de se réunir, afin de mettre en place différentes formes d'action collective dans l'espace public : pour le plaisir de se retrouver, pour surprendre ou pour défendre une cause. Prenant ces racines dans l'éducation populaire, l'animation a toujours porté et soutenu ces mouvements, en encourageant l'expression créative et politique de groupes dans l'espace social. En quelque sorte, la culture des flashmobs est une application actuelle de ces pratiques... La spécificité de ces mobilisations réside dans le fait qu'elles sont presque intégralement organisées sur Internet. Via les plateformes 2.0, les organisateurs, souvent anonymes, réunissent un public, envoient des consignes, puis diffusent la vidéo de la flashmob, dans le but de provoquer un maximum d'e-motion chez les internautes.

Évidemment, tous les animateurs n'organisent pas des flashmobs, mais l'ampleur de ces événements nous montre l'incroyable puissance mobilisatrice du web 2.0 et l'intelligence collective qu'il est possible de faire émerger des tréfonds de nos cerveaux reptiliens.
 
Les nouvelles technologies de l'information sont donc un élément à prendre en compte, une évolution sociale de taille, que l'animateur n'a ABSOLUMENT PAS LE DROIT D'IGNORER dans le monde dans lequel nous vivons.


LE TRAVAILLEUR SOCIAL 2.0





Dans le prochain article, vous aurez la chance de découvrir un animateur super méga cool, fervent utilisateur du web 2.0 dans son quotidien ... Mais Chut....c'est encore confidentiel !


Article signé M@rie-Laure

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Sources et références utiles:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Flash_mob
http://flashmob.info/fr/
http://www.evene.fr/celebre/actualite/flashmob-liverpool-chicago-britney-bab-2385.php
http://www.transfert.net/a9068
http://www.youtube.com/watch?v=Nljmf5GoTqM

Illustrations:
http://flashmob.info/fr/happening/flashmob-a-montauban/
http://www.scoop.it/t/l-atelier-numerique?page=4
http://fr.wikipedia.org/wiki/Howard_Rheingold
http://www.mudd-club.fr/funk-the-power-with-winston-smith-and-m-mow/?p=410
http://info.france2.fr/france/6e-journee-mondiale-contre-l-homophobie-63083758.html
http://zouk-dubai.com/?p=1479
http://teecraze.com/flash-mob-t-shirt/

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